Journaliste professionnel, je propose ici de partager avec vous mes coups de coeur, mes avis et ma passion pour la culture populaire sous toutes ses formes.
27 Octobre 2019
L'image de Jane Fonda, 81 ans, menottée par la police américaine devant le Congrès Américain alors qu'elle participait à une manifestation contre le réchauffement climatique, a fait le tour du monde. Pour les plus anciens, elle rappellera à quel point la star a toujours été un symbole de la révolte. Si son militantisme pour l'écologie reçoit un large assentiment de l'opinion publique, Jane Fonda mena dans les années 60 et 70 des combats autrement controversés qui lui valent encore d'être honnis par de nombreux américains. Très politisée, l'actrice fut une activiste des droits civiques, s'affichant aux côtés des Black Panthers et des Amérindiens. Mais c'est évidemment sa dénonciation de la guerre du Vietnam qui en fit une figure de la contre-culture gauchiste jusqu'à se rendre à Hanoï, capitale du régime communiste pour dénoncer l'impérialisme américain. La photo où elle posa sur un canon nord vietnamien coiffée d'un casque lui vaudra le surnom de Hanoï Jane par tous ceux qui virent en elle une traître à la patrie. Il y a quelques années, l'actrice a dit regretter ce voyage à Hanoï tout en maintenant que l'intervention américaine au Vietnam fut une sale guerre pour son pays. Mais il faut bien admettre qu'on avait un peu oublié cette réputation de révolte qui lui colla à la peau si longtemps. Car, dans les années 80, Jane Fonda devint la reine de l'aérobic, vendant des millions de cassettes vidéo de ces séances de gym qui lui ont permis de conserver une silhouette athlétique jusqu'à aujourd'hui. Elle qui se rebella contre tous les diktats hollywoodiens, ne put, néanmoins résister à celui de l'éternelle jeunesse, même si elle utilisa la chirurgie esthétique à bon escient lui permettant d'être la grand-mère la plus sexy de la planète. Cette vie publique et citoyenne active occulte quasiment sa carrière d'actrice, ce qui est assez injuste pour celle qui décrocha deux Oscars. Plutôt intègre, Jane Fonda quitta tôt le star-system de Hollywood qui voyait en elle la fille de son père,le légendaire Henry Fonda. Dans sa période la plus prolifique, elle tourna sous la direction de réalisateurs réputés pour leur progressisme politique,que ce soit Arthur Penn, Sidney Pollack, Alan J.Pakula, Fred Zinnemann, Hal Ashby ou Joseph Losey. Mariée à Roger Vadim, elle tourna également plusieurs films en France, notamment avec René Clément dans Les Félins, élégant thriller et Tout va bien, pamphlet sur la société de consommation signé Jean-Luc Godard. Voici les cinq films à voir pour comprendre pourquoi Jane Fonda est une légende du cinéma.
Barbarella Roger Vadim 1968
Est-ce le film le plus nul de la carrière de Jane Fonda ? C'est probable, mais il fait encore l'objet d'un culte fervent au point que des remakes sont régulièrement annoncés, que ce soit en film de cinéma ou en série télé. C'est un sommet du kitsch psychédélique, inspiré d'une héroïne de bandes dessinées qui doit sauver la Terre. Roger Vadim, époux de Jane Fonda, fait avec elle ce qu'il avait réussi avec Brigitte Bardot : façonner un sex-symbol mondial. De ce point de vue, c'est une franche réussite. Jane Fonda, dans ses tenues futuristes signées Paco Rabanne, est à tomber à la renverse. Elle a avoué bien plus tard, qu'elle était ivre en permanence sur le tournage et qu'elle accepta le film pour assouvir les fantasmes de Vadim. Mal joué et ennuyeux, le film possède néanmoins une force esthétique indéniable en correspondance avec la contre-culture de l'époque. Jane Fonda ne sera jamais plus aussi sexy sur grand écran.
On achève bien les chevaux Sidney Pollack 1969
Jane Fonda trouve dans ce film l'un de ses grand rôles, celui d'une actrice ambitieuse qui se lance dans un de ces marathons de danse qui furent très populaires pendant la Grande Dépression des années trente. A l'époque, Jane Fonda est une vedette du cinéma hollywoodien où on utilise surtout sa beauté et son glamour. Même dans La poursuite impitoyable d'Arthur Penn, le film majeur de sa première partie de carrière, l'actrice n'arrive pas à s'exprimer pleinement. Sidney Pollack lui permet enfin de montrer l'étendue de son talent dans un personnage qui évolue au fil de ses pas de danse. Voulant échapper à la misère en gagnant le marathon quitte à écraser la concurrence, son personnage évolue au fil de ses désillusions et de ses souffrances. Un film charnière qui lui permet d'obtenir sa première nomination à l'Oscar de la meilleure actrice et d'engager ensuite une filmographie exemplaire.
Klute Alan J.Pakula 1971
C'est un film typique des années 70 réalisé par un cinéaste préoccupé par les manipulations d'un État américain soumis à la paranoïa et à la corruption. Klute est l'un de ces films qui casse l'esthétique hollywoodienne pour une image réaliste et austère afin de concentrer son message vers la mise en garde du spectateur citoyen. C'est néanmoins un thriller captivant dans lequel Jane Fonda incarne une prostituée prise à son corps défendant dans un complot politique qui la dépasse. L'objet de désir des années 60 a évolué, même s'il reste un fantasme sexuel tarifé pour des hommes de pouvoir. Jane Fonda y montre son magnétisme, mais aussi ses faiblesses, ses peurs, ses contradictions, ce qui la rend poignante et humaine. Les années 70 ouvrent l'ère des films conspirationnistes comme Conversation secrète de Coppola ou Les trois jours du Condor de Pollack, plus efficaces que Klute qui accuse un style un peu vieillot. Jane Fonda y remporte l'Oscar de la meilleure actrice.
Le syndrome chinois James Bridges 1979
C'est l'un des plus gros succès au box-office de Jane Fonda. Il faut dire que le film qui raconte les dysfonctionnements au sein d'une centrale nucléaire est sorti quelques jours avant le premier incident historique dans la centrale de Three Miles Island. L'actrice incarne une journaliste ambitieuse à la recherche d'un scoop et qui va le dénicher au cours d'un reportage au sein d'une centrale nucléaire. C'est un thriller efficace produit par Michaël Douglas qui joue le cameraman qui accompagne Jane Fonda. Les deux enfants de stars de l'âge d'or reprennent le flambeau avec maestria, même si c'est Jack Lemmon en responsable de la sécurité dépassé qui emporte les suffrages. Comme souvent dans sa carrière, Jane Fonda s'investit dans des films qui se donnent pour mission de susciter la vigilance des citoyens face aux dangers que leurs responsables ne maîtrisent pas. Efficace et utile à défaut d'être un grand film.
Le cavalier électrique Sidney Pollack 1979
Robert Redford et Jane Fonda ont formé l'un des plus beaux couples du cinéma américain, et c'est peu de le dire. De La poursuite impitoyable à Pieds nus dans le parc, ce duo s'est montré magnétique, d'autant que les deux acteurs partagent la même conscience citoyenne et écologique. Mais c'est assurément dans ce très beau film de Sidney Pollack qu'on préfère les voir ensemble. Jane Fonda y incarne encore une journaliste qui va tomber amoureuse de sa proie : un ancien champion de rodéo transformé en cavalier électrique à Las Vegas pour la promotion de céréales. Robert Redford y peaufine son personnage solitaire épris de nature sauvage, poursuivi par une journaliste citadine en quête d'un scoop. Fable écologique sous un vernis de comédie romantique, le film offre à l'écran un couple dont l'osmose est un ravissement. On n'a qu'une seule envie : qu'ils s'embrassent face à une nature radieuse et intemporelle.