Journaliste professionnel, je propose ici de partager avec vous mes coups de coeur, mes avis et ma passion pour la culture populaire sous toutes ses formes.
20 Janvier 2020
Le 20 janvier 1920, Federico Fellini voyait le jour à Rimini, une station balnéaire de la Côte Adriatique. En une quinzaine de films,il a symbolisé un cinéma total, italien et universel, populaire et poétique... Couvert d'honneurs de son vivant avec notamment une Palme d'Or et quatre Oscars, l'étoile de Fellini brille sans doute un peu moins aujourd'hui. La cinéphilie moderne semble davantage s'intéresser à ceux que l'on considérait à l'époque comme les petits maîtres de Cinecitta, de Sergio Leone à Mario Bava. Fellini aujourd'hui, fait sans doute un peu peur par sa déconstruction du récit, son traitement de la réalité et de l'imaginaire, sa folie poétique et sa profonde mélancolie d'artiste. Même lors de son début de carrière dans le courant majeur du néo-réalisme de l'après-guerre, ses films portaient déjà cette lueur différente, symbolisée par le regard enfantin et triste de Giulietta Masina dans La Strada ou Les Nuits de Cabiria.
Mais c'est bien à partir de La Dolce Vita, son film le plus connu qu'il met en place ce style souvent qualifié de surréalisme baroque. Fellini, tout en montrant la réalité d'un monde qui lui convient de moins en moins, cherche par tous les moyens à lui échapper. Son refuge, c'est le rêve, l'enfance, le rire, le cirque, le cinéma face à la domination d'une société du spectacle obnubilée par les apparences et la célébrité.... Tout en sachant que tout est éphémère et qu'un simple courant d'air peut effacer des fresques de l'Antiquité comme dans Roma. Le flamboyant cinéaste des années 60 et 70 deviendra dans les années 80 l'une des victimes de la nouvelle domination de la télévision qui aura raison de l'industrie du cinéma italien, la plus florissante du monde après Hollywood. Ces derniers films montrent cette nostalgie d'un âge d'or du 7e art dont il était devenu le Maestro. Cinq films à revoir pour découvrir Federico Fellini, un centenaire qui porte en lui une part d'éternité.
http://philippelenoir-popculture.com/2019/06/super-mario-bava-maitre-du-cinema-bis-a-cinecitta.html
La Strada 1954
C'est le film le plus connu de la veine dite néo-réaliste de Fellini. Le cinéaste y avoue sa passion pour les arts forains et le cirque en proposant un périple tragique dans une Italie rurale qui réunit Zampano et Gesolmina. Lui est un homme frustre et vénal qui déploie un numéro de force tandis qu'elle croit en la force de l'imaginaire et de la musique. Le film est un mélodrame bouleversant qui, sous ses aspects naturalistes, s'ancre déjà dans une forme d'onirisme. C'est aussi une réflexion sur ceux qui fondent leur vie dans l'art et ceux qui font du spectacle un moyen de gagner de l'argent. Un thème majeur de l’œuvre de Federico Fellini souvent tracassé par les financiers du cinéma qui ont freiné ses aspirations à la poésie. Le film met en scène un couple de haute volée avec Anthony Quinn tout d'un bloc face à Giulietta Masina dont le visage est magnifié par la caméra de son mari. Le film est un triomphe mondial qui récolte l'Oscar du meilleur film étranger. Le film le plus populaire et accessible de Fellini.
La Dolce Vita 1960
Un monument du 7e art, un film assez intimidant marqué par la fameuse scène où Anita Ekberg et Marcello Mastroianni se baignent dans la Fontaine de Trévi à Rome. C'est surtout avec ce film que son cinéma bascule vers la déconstruction du récit. Même si Fellini, dans ces films précédents, avait déjà démontré qu'il avait peu de goût pour les intrigues bien ficelées, cette fois-ci, il lâche la bride de son imagination pour une errance filmique où il donne à voir la faune romaine du cinéma et de la musique s'enivrer de plaisirs éphémères. Le témoin de cette Dolce Vita nihiliste, décadente et désenchantée, c'est Marcello, un journaliste mondain désabusée qui traîne son ennui à rendre compte des frasques nocturnes des gens célèbres. Fellini y pointe en conteur moraliste, cette nouvelle société du spectacle qu'il voit prendre le pouvoir sur les artistes. Sous ses airs glamour et bruyant, c'est bien un film sombre qu'offre Fellini sur le sens à donner à son existence en ces temps dominés par la laideur et la vulgarité.
Huit et demi 1963
Après le triomphe de La Dolce Vita, Federico Fellini décide d'appréhender les affres de la création d'un cinéaste célèbre en manque d'inspiration. Autant dire qu'il parle de lui-même sous les traits de son alter ego Marcello Mastroianni. Le titre du film est en lui-même une ironie puisqu'il s'agit du huitième film de son auteur. Fellini y évoque, dans un récit éclaté, sa jeunesse, ses relations amoureuses avec sa femme et sa maîtresse, ses interrogations sur le sens de la vie et sa capacité encore à réaliser des films. Le film échappe à toute histoire cohérente, sauf à décrire la dépression que traverse le cinéaste. Les images mixent souvenirs, fantasmes et réalité présente pour mieux expliquer les affres de la création. Dans un noir et blanc somptueux, le film s'égare en compagne de Mastroianni au sommet de son art pour se conclure sur la scène célébrissime de la ronde des saltimbanques sur un terrain vague de Cinecitta avec la musique de Nino Rota. Le chef d’œuvre déroutant de Fellini.
Roma 1972
Fellini est un romain d'adoption, mais il voue à la Ville Éternelle une passion à nulle autre pareille. Dans ce film gigogne, le cinéaste évoque son rapport à Rome à travers une vision cinéphile profondément nostalgique, mais toujours vivifiante. Les scènes se succèdent sans logique apparente, sauf celle d'une ville capable de se reconstruire en permanence tout en voyant son passé fragile surgir de nulle part. Certaines séquences sont vraiment fascinantes comme celles de ses fresques antiques découvertes par des ouvrier du métro, qui s'effacent au contact de l'air ou ce défilé de mode des dernières tendances ecclésiastiques confectionnés avec des tissus infroissables. Mais c'est bien le petit peuple de Rome qui festoie dans les ruelles du Trastevere, les prostituées des faubourgs ou les décors abandonnés de Cinecitta qui ont les faveurs de Fellini. Avec en point d'orgue, l'apparition nocturne d'Anna Magnani, la Mama Roma de Pasolini et égérie du néo-réalisme. Celle qui avait toujours refusé de tourner pour Fellini, accepta cette courte scène avant de mourir quelques semaines plus tard..
Intervista 1987
C'est l'avant dernier film du Maestro mais assurément son œuvre testamentaire. Fellini y joue son propre rôle, interviewé par des journalistes japonais, alors qu'il tente de préparer un film à Cinecitta dont les plateaux de cinéma ont été transformés en studios de télévision. Le film navigue ainsi entre passé et présent dans un exercice d'amour fou pour le 7e art. Fellini se met ainsi en scène en jeune journaliste provincial arrivant par le train dans les décors de la Cité du Cinéma édifiée par le régime de Mussolini. Mais la scène la plus émouvante entre fiction et documentaire est celle où Marcello Mastroianni déguisé en Mandrake retrouve Anita Ekberg chez elle. Tous deux regardent sur un drap la fameuse scène de la Fontaine de Trévi dans La Dolce Vita. Les deux comédiens sont bouleversants, se contemplant au sommet de leur beauté avec complicité. Ce petit film, produit pour la télévision en Italie, sera un succès inattendu au cinéma dans le monde entier. Fellini qui n'arrivait plus à financer ses projets, retrouva avec Intervista les faveurs du public.