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12 Février 2020
La disparition récente de Robert Conrad à 84 ans a plongé les enfants de la télé, ceux des années 60/70, dans une nostalgie douce-amère. Parce qu'elle rappelle que l'horloge du temps reste imperturbable et impitoyable même pour les héros qu'on croyait invincibles. Parce qu'elle remet en mémoire cette délicieuse sensation des samedis après-midi quand on plongeait dans un nouvel épisode des Mystères de l'Ouest. Car Robert Conrad, c'est avant tout James West, l'agent secret le plus stylé du Far-West bien plus que son autre personnage phare, Pappy Boyington, le chef des Têtes brûlées, série sur des aviateurs de la guerre du Pacifique. Juste parce que Les Mystères de l'Ouest possède une signature esthétique propre aux meilleures séries anglo-saxonnes des sixties, à l'instar des fleurons comme Mission Impossible ou Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Un premier âge d'or pour les séries qui joue sur la fétichisation des héros, des génériques soignées, des gimmicks stylisées et de vrais partis-pris esthétiques. La série dans sa version originale s'intitule The Wild Wild West, un titre qui fait évidemment référence au Far-West où se situe l'essentiel de l'action, mais aussi au nom du héros, le fameux James West incarné par Robert Conrad.
On doit avouer que la traduction en français est assez judicieuse d'autant que la série joue en effet sur la résolution d'énigmes qui possèdent bien souvent un épais mystère en début d'épisode. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs si c'est en France que Les Mystères de l'Ouest établira son statut de série culte bien plus qu'ailleurs, renforcée par un excellent doublage qui ajoute à son charme. Elle possède donc quatre saisons et démarre sa diffusion en 1965 en début de soirée sur le network CBS. La première saison, on s'en souvient peu, est en noir et blanc avant de passer à la couleur l'année d'après, ce qui convient mieux à son style fantaisiste et original. Car le premier intérêt des Mystères de l'Ouest est d'être une série hybride entre le western, un genre qui vit ses derniers feux aux USA, l'espionnage sous l'influence de James Bond et une pincée de fantastique. Elle se situe à une époque très précise de l'histoire américaine après la Guerre de Sécession, à partir de 1868 sous la présidence d'Ulysse Grant qui fut l'un des généraux de l'armée nordiste. Grant apparaît d'ailleurs dans quelques épisodes qui permettent de comprendre que James West et son comparse Artemus Gordon ont servi dans l'Armée de l'Union sous ses ordres. Ce sont bien les seules indications biographiques concernant les deux héros, des agents du gouvernement diligentés par la Maison-Blanche pour faire régner la loi fédérale dans l'Ouest sauvage.
Sur CBS, The Wild Wild West, diffusé le vendredi soir, réalise de très belles audiences face à Tarzan sur NBC et Le Frelon Vert sur ABC. Contre toute attente, elle ne sera pas reconduite en 1969 à cause de sa supposée violence alors que les États-Unis sont sous le choc des assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy. La série aux 104 épisodes arrive en France dès 1967 sur la deuxième chaîne. Mais elle passe relativement inaperçue avant d'être redécouverte en 1973 sur TF1 où elle connaît un succès fulgurant la plaçant au sommet de manière durable. Comme on l'a dit, à l'instar d'Amicalement Vôtre, c'est en France que Les Mystères de l'Ouest a conquis le statut de série culte. Son rayonnement est lié à différents facteurs dont le plus évident est son couple d'acteurs vedettes. Ross Martin alias Artemus Gordon, est un comédien de théâtre formé à Broadway, un lettré qui incarne dans la série un agent épris de science, mais aussi un as du travestissement qui vient en aide à James West en situation compliquée face aux méchants. Mais c'est bien évidemment Robert Conrad qui tient la vedette jusqu'à faire de James West un véritable symbole sexuel. Autodidacte, l'acteur originaire de Chicago joue de son physique avantageux sculpté par la pratique de la boxe, ses yeux bleus, son sourire enjôleur.... Âgé de trente ans, il est en concurrence avec John Derek et Rory Calhoun pour le rôle, mais sa capacité à assurer ses cascades fait la différence face à ces comédiens plus chevronnés. Et il possède un charme discrètement féminin qui ravit le producteur du show, Michaël Garrison, homosexuel extraverti et assumé. On y revient plus loin...
L'autre facteur du succès, c'est donc l'hybridation de la série, mélange habile de western et d'espionnage. Ce qui permet de produire une série à coût relativement réduit avec des extérieurs tournés dans les décors existants des studios et surfer sur la mode des agents secrets, dont l'archétype est évidemment James Bond. D'ailleurs, le héros se présente selon le fameux gimmick de 007 : West, James West ! Celui-ci possède des gadgets camouflés dans ses vêtements, lame dans la pointe de la botte, explosifs dans le talon, pistolet Remington dans la manche, filin en acier enroulé autour du chapeau.... Comme Bond, James West affronte très souvent des méchants diaboliques, des scientifiques fous dont le fameux Docteur Miguelito Loveless, un nain mégalomane, cabotin et frappadingue qui apparaît dans une dizaine d'épisodes parmi les meilleurs de la série. Tous ces méchants sont élégants, polis et si fats qu'ils se sentent obligés de dévoiler leurs desseins maléfiques aux agents secrets avant de les exécuter. La série s'empare également des mythes de la science du XIXe siècle sous influence Jules Verne et joue de l'ambiance fantastique avec le principal de l'action qui se déroule de nuit. D'ailleurs, chaque titre d'épisode démarre par La Nuit... L'autre facteur du succès, c'est évidemment sa stylisation extrême avec le fameux train sillonnant l'Ouest qui sert de logement comme de laboratoire aux deux agents secrets.
Et un générique parmi les plus emblématiques, un dessin animé divisé en cinq vignettes où West se retrouve confronté à un danger symbolique. La plus incroyable est la dernière vignette qui représente une femme que l'agent secret attire vers lui pour l'embrasser avant de lui asséner un coup de poing alors qu'elle s'apprête à lui planter un couteau. Dans la première saison, cette femme se débat avant de succomber au baiser de James West. C'est au cours de la seconde saison qu'elle prend ce fameux coup de poing la laissant sur le derrière, la production estimant que cette seconde version est plus acceptable. Ce qui laisse rêveur... Mais, il faut le dire, Les Mystères de l'Ouest est une série assez misogyne, les femmes étant de perfides séductrices pour mieux piéger West ou des cocottes écervelées minaudant en fin d'épisode face aux deux agents secrets. A noter que la musique est signée Richard Markowitz, spécialiste du genre avec, à son crédit le score de grandes séries comme Les Envahisseurs, Hawaï Police d’État ou Les Rues de San Francisco. Mais ce qui aujourd'hui marque le plus la stylisation des Mystères de l'Ouest, c'est le look vestimentaire de James West moulé dans un costume très ajusté le plus souvent bleu, parfois gris formé d'un pantalon ultra slim, d'une chemise blanche, d'une cravate, d'un gilet et d'un boléro assorti au pantalon.
Un haut de costume qu'il n'hésite pas à enlever pour dévoiler un corps parfait et qui abonde la théorie d'un sous-texte homosexuel récurrent voulu par son producteur gay. De fait les indices sur l'hypothèse queer de la série sont nombreux, notamment le fait que les deux agents secrets vivent ensemble, que West est toujours tiré à quatre épingles, que Gordon se déguise souvent en femme et que Loveless aime plus que tout torturer son ennemi favori à demi-nu en flattant son physique d'Adonis.... De plus, comme dit plus haut, les femmes n'y ont jamais le beau rôle. Et si James West est de fait un tombeur, il revient toujours vers son meilleur copain Artemus Gordon. Toutes ces esthétiques doublées d'épisodes souvent bien écrits, drôles et passionnants ont forgé la réputation de la série à travers les âges. Voilà pourquoi le décès de Robert Conrad a suscité un émoi sincère auprès des fans. Même si Les Têtes Brûlées possèdent à juste titre ses admirateurs fervents, c'est bien Les Mystères de l'Ouest qui a forgé sa réputation. Pour les plus jeunes qui veulent découvrir ce fleuron de la série des années 60, de très nombreux épisodes sont visibles sur internet en version française. Il faut signaler que Hollywood a adapté la série pour le cinéma en 1999 dans une version plutôt honorable réalisée par Barry Sonnenfeld avec Will Smith et Kevin Kline dans les rôles principaux, ainsi que Kenneth Branagh incarnant le maléfique Loveless.