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philippelenoir-popculture.com

Journaliste professionnel, je propose ici de partager avec vous mes coups de coeur, mes avis et ma passion pour la culture populaire sous toutes ses formes.

Jimi Hendrix, l'étoile filante au firmament du rock psychédélique

Jimi Hendrix, l'étoile filante au firmament du rock psychédélique

Le 18 septembre 1970, Jimi Hendrix meurt officiellement d'une surdose de médicaments et d'alcool dans un hôtel de Londres. Il avait 27 ans. Le décès du guitariste de Seattle enfonce le clou qui clôture le Flower Power, d'autant que quelques semaines plus tard, c'est au tour de Janis Joplin, autre figure de la contre-culture hippie de passer de vie à trépas après une overdose d'héroïne. Un demi-siècle plus tard, le Voodoo Child reste plus que jamais une légende de la pop music, même si ce cinquantenaire marque raisonnablement un point d'accalmie dans sa glorieuse postérité. Il faut dire que les ayant-droits de l'artiste ont essoré depuis cinquante ans, le moindre rogaton musical du plus incroyable guitariste de l'ère moderne, transformé en machine à cash sur le marché lucratif du rock nostalgique. D'autres effets se font sentir comme le poids des ans qui touche les fans et l'influence déclinante du rock comme expression majeure de la pop culture. L'alerte a sonné avec l'échec commercial et artistique du biopic hollywoodien consacré à Jimi Hendrix en 2015 qui n'a eu droit en France qu'à une discrète sortie en DVD. La France qui a pourtant eu l'honneur de proposer les quatre premières prestations scéniques du prodige américain dans la formation qui va le faire entrer dans la légende, le Jimi Hendrix Experience. C'est Johnny Hallyday qui détecte le talent d'Hendrix dans un club de Londres où le gaucher épate la galerie par son jeu de guitare révolutionnaire, n'hésitant pas à pincer les cordes de sa Fender avec les dents. A l'époque, le trio assure donc la première partie de l'idole du rock yéyé, soit tout juste un quart d'heure pour enfiler trois à quatre titres dont le fameux Hey Joe, standard du blues que Jimi Hendrix sublime par l'expressivité de sa guitare et son chant étouffé. Quatre dates dont l'Olympia à Paris le 18 octobre 1966, ce qui illumine les yeux du musicien car à l'époque la salle parisienne est l'une des plus grandes d'Europe à accueillir des concerts de rock. Toutes les idoles de Jimi Hendrix, des Beatles à Bob Dylan, ont joué dans cet Olympia où il jouera une seconde fois, un an plus tard, presque jour pour jour.

Jimmy Page, Jeff Beck, Eric Clapton ébahis

Mais cette fois-ci c'est son nom qui s'inscrit en lettres de feu sur le fronton du music-hall. Mais soyons honnêtes, c'est bien à Londres que la comète Hendrix va démarrer son fulgurant voyage au firmament du rock, ce qui reste l'un des plus incroyables paradoxes pour une pop star américaine de son niveau. Car, aux États-Unis, pendant plus trois ans, de 1962 à 1965, celui qui se fait appeler Jimmy Hendrix court le cachet comme musicien dans les orchestres des vedettes du rythm'n'blues de l'époque, ce qui lui permet d'accompagner Little Richard, Ike & Tina Tuner ou Sam Cooke. Son jeu de guitare, pourtant déjà affirmé, passe inaperçu auprès des chercheurs de nouveaux talents. Curieusement, c'est un mannequin anglais Linda Keith, girlfriend de Keith Richard, qui tombe en pâmoison pour le guitariste qui s'exprime sous son propre nom dans une petite salle de Greenwich Village à New York. Elle le présente à Andrew Loog Oldham, le manager des Rolling Stones, qui refuse de l'engager parce qu'il le trouve trop défoncé. C'est Chas Chandler, bassiste des Animals en voie de reconversion dans le management, qui détecte le potentiel d'Hendrix et l'invite à le suivre à Londres. Celui-ci accepte sur la promesse qu'il pourra rencontrer son idole, Eric Clapton. Très vite, le bouche-à-oreille fait de Jimi Hendrix la nouvelle sensation du Swinging London, explosant tous les critères de virtuosité à la guitare, laissant ébahis les maîtres comme Jeff Beck, Jimmy Page et Eric Clapton en personne. Après la brève parenthèse française avec Johnny Hallyday, le Jimi Hendrix Experience retourne à Londres où il va démarrer une trajectoire totalement folle jusqu'à l'épuisement artistique de son leader. L'enfant misérable de Seattle, guitariste autodidacte, parachutiste réformé de l'US Army se transforme en pop star de la bohême londonienne. Il s'ouvre comme jamais à une force créatrice unique, stimulée par les hallucinations du LSD, la drogue du Flower Power avant d'exploser enfin aux États-Unis pour parachever son statut d'archange planétaire de la contre-culture

La transcendance à Monterey et Woodstosck

En l'espace de deux ans, Jimi Hendrix enregistre ses trois albums en studio, Are You Experience, Axis : Bold as Love et Electric Ladyland, tous trois considérés comme des classiques du rock psychédélique, abritant des standards inusables comme Purple Haze, Foxy Lady, Voodoo Child... Mais plus que les hit-parades que trustent les tubes de Jimi Hendrix, c'est la capacité de l'artiste à innover, à expérimenter, à créer des sons inédits permettant de rendre magiques les distorsions, les larsens, les effets amplifiés et saturés de sa guitare. Un niveau de génie créatif qui l'affiche comme l'égal des compositeurs classiques comme Bach et plus encore les maîtres du free-jazz comme Miles Davis qui lui vouait une profonde admiration. Et même si sa base d'inspiration première, notamment le chant, reste le rythm'n'blues américain des pionniers comme Muddy Waters, il est un précurseur du son heavy des seventies. Mais la consécration ultime sera la transcendance extrême qu'il affiche sur scène, marquant l'histoire de la musique lors de deux grands festivals de l'ère hippie sur sa terre d'Amérique. C'est tout d'abord en juin 1967 en Californie à Monterey où Jimi Hendrix crée la sensation en immolant sa Fender Stratocaster au cours d'un rite satanique immortalisé par la caméra du cinéaste DA Pennebaker. Encore plus en août 1969, à Woodstock près de New York où le guitariste propose une prestation historique devant des milliers de spectateurs fourbus et boueux avec en point d'orgue une version déconstruite et expérimentale de l'hymne américain, souvent interprété comme l'hostilité d'Hendrix à la guerre du Vietnam. Au delà du compositeur fébrile, du chanteur inspiré, du guitariste virtuose, le public adule le showman charismatique qui fait de chaque concert une expérience aux frontières de la transe chamanique. Au point d'essorer le prodige à une vitesse fulgurante, miné par les substances hallucinogènes qui le détruisent à petit feu, l'exigence créatrice commanditée par le rock business et un statut de rock star contesté au sein de la communauté noire. Car si Jimi Hendrix est l'idole du Flower Power des classes moyennes blanches, il est rejeté par les afro-américains qui lui reprochent d'être absent dans leur combat des droits civiques mis à rude épreuve par l'assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968. On va jusqu'à le surnommer L'Oncle Tom psychédélique, le dandy nègre du Flower Power... Lui-même fera une déclaration qui passe mal en cette époque de tensions raciales : « J'ai de la compassion pour les minorités, mais je n'ai pas l'impression d'en faire partie. »

Le virage funk et jazz avec Band Of Gypsys

Néanmoins, la pression est si forte qu'elle met fin, en autres raisons, au Jimi Hendrix Experience dont les deux autres membres Noël Redding et Mitch Mitchell sont blancs. Le guitariste star s'apprête à affronter un grand virage artistique dès la fin d'année 1969, symbolisé par sa nouvelle formation Band Of Gypsys, un trio qu'il monte avec deux musiciens afro-américains. Dès lors, Jimi Hendrix renie peu à peu le répertoire qui l'a fait roi, refusant selon son humeur, de jouer sur scène ses hits comme Hey Joe ou Foxy Lady pour s'inventer en nouveau mage d'un rock plus jazz, plus funk... Band Of Gypsys enregistrera un album live, dernière opus discographique sorti du vivant de Jimi Hendrix dont la postérité le place comme un témoignage assez médiocre du talent de l'artiste. Le Band n'y résistera pas d'ailleurs. Néanmoins, un quatrième album inédit est mis en route au printemps 1970, sera enregistré et mixé pour l'essentiel dans le studio que Jimi Hendrix a créé à New York. Un investissement coûteux qui l'oblige à accepter une tournée d'été en Europe avec en point d'orgue sa présence le 30 août 1970 au festival de l'Îsle de Wight, ultime rendez-vous du mouvement Flower Power en déclin. Ce n'est pas, comme on le croit souvent, le dernier concert de Jimi Hendrix, mais c'est celui qui témoigne de la lassitude, voire de la déprime du guitariste prodige. Quelques jours plus tard, après un concert en Suède, Jimi Hendrix confie à un journaliste qu'il n'atteindra pas 28 ans s'il ne se sent pas capable d'offrir une musique digne de son génie passé. Le 18 septembre, il décède d'une surdose de médicaments et d'alcool dans un hôtel de Londres. Une théorie régulièrement alimentée par divers témoignages de l'entourage de la star, évoque un empoisonnement pour des histoires sordides d'argent. Ce qui est sûr, c'est que le quatrième album studio à titre posthume de Jimi Hendrix, paru sous diverses formes, montre un artiste, certes moins flamboyant, mais encore sûr de son art. A 27 ans, Jimi Hendrix avait déjà beaucoup donné, mais semblait encore en pleine possession de son talent. Cinquante ans plus tard, sa trajectoire fulgurante brisée par le destin, en a fait une légende du siècle.

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